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Impression…

J’en rêvais depuis longtemps : assister à l’impression de l’un de mes livres.

Plus j’avance dans ce « métier » d’écrivain, plus je m’aperçois que contrairement à la légende, ce n’est pas une activité solitaire. On parle de la « chaîne » du livre. C’est si vrai ! Bien sûr, l’écriture elle-même est un exercice individuel, qu’il se pratique dans la solitude ou dans un lieu fréquenté. Mais plus ou moins rapidement, interviennent les premiers lecteurs, ceux qui vont vous accompagner tout au long de la création. Certains écrivains aiment faire lire leur premier jet à des proches ou à des personnes de confiance. D’autres sollicitent les conseils de spécialistes en lien avec leur sujet. Pour moi, Manuel Carcassonne, mon éditeur depuis mon premier livre, est, sauf exception, mon premier lecteur. J’aime bien avoir son retour au bout d’une centaine de pages, et en discuter avec lui. Je suis parfois emportée par mon sujet, par mes recherches sans me rendre compte que ce ne sera pas forcément le cas de mes lecteurs. C’est le rôle de l’éditeur de regarder le texte autrement, de confronter sa lecture, ses suggestions avec l’auteur. Un dialogue s’installe, qui repose sur la confiance. Une fois le texte achevé, intervient la relecture complète de l’éditeur et aussi, pour moi, celle de l’éditrice Capucine Ruat avec qui je vais retravailler le détail mais aussi toute la mise en œuvre, l’organisation du livre, les illustrations, réalisées ici par Marion Cochat, leur place, leur taille, leur couleur etc. Quand nous sommes d’accord sur le manuscrit, entrent dans la danse le compositeur, les correcteurs, à chaque fois suivis par une relecture. Le texte définitif est envoyé à l’imprimeur par le fabricant, c’est-à-dire la personne qui fait le lien avec toute la « matérialisation » du livre (choix du papier, couverture, couleurs etc.). Le texte est aussi transmis à la directrice commerciale, aux représentants et à l’attachée de presse. Tous jouent un rôle essentiel, j’ai la chance de travailler avec l’adorable et efficace Vanessa Retureau. Une fois les épreuves corrigées et imprimées, elle les adresse aux journalistes. Au bout de la chaine, les libraires. Nous, les auteurs, sommes entre leurs mains, au sens littéral.

Tout cela commence à faire beaucoup de monde, n’est-ce pas ?

 

Je suis étonnée que si peu d’écrivains s’intéressent à la phase de l’impression. J’aime voir les choses se faire. C’est un miracle d’y assister. Nous sommes chez Normandie Roto Impression, à Lonrai, dans l’Orne. Les arbres sont en fleur, la campagne sent bon le printemps.

Je vais pouvoir suivre, en compagnie de Sandrine et de Capucine,  la première phase, l’impression de la couverture. D’abord le calage des couleurs : nous avons fait 3 essais afin d’obtenir un rouge aussi lumineux que sur le tableau de Jean-François Sineux qui l’illustre. Grâce à sa construction en profondeur, ses couleurs chaudes, on comprend que c’est l’intimité de la maison d’écrivain qui sera montrée. Le beau papier couleur crème, que j’avais choisi moi-même pour Jardins de papier, boit un peu et l’effet n’est pas exactement le même que sur un papier blanc. Rehausser un peu le rouge ? diminuer le jaune ? Réglages complexes. Le 3eessai est le bon. La nuance est infime mais Sandrine, Capucine et l’imprimeur ont l’œil exercé ! Je signe fièrement le BAT, le « bon à tirer » de la couverture, un moment émouvant, une sorte d’engagement personnel. Les encres (les mêmes couleurs que sur une imprimante) sont insérées dans des sortes de compartiments. Les grands panneaux de papier sortent juxtaposant deux couvertures tête-bêche. Sentiment de vraiment avoir participé à toutes les étapes de ce livre qui représente aussi plus de vingt ans de visites de maisons d’écrivains.

La découverte de l’imprimerie est impressionnante : l’énormité et la virtuosité de ces machines pour passer du texte à l’offset, puis des énormes rouleaux de papier (fournis la plupart du temps par les maisons d’édition) aux cahiers qui sont comparés au texte d’origine, puis au découpage, à l’assemblage, au collage, au marcottage, à l’emballage, et j’en oublie. Il y aussi des phases intermédiaires comme la pose de la couverture. Cela ne s’arrête jamais, 24h x 24h et 7 jours sur 7. Les rouleaux continuent à tourner pendant qu’ils sont remplacés. En chemin, nous voyons s’imprimer d’autres livres : les pléiades, des Bouquins de Laffont aux couvertures chatoyantes, des livres d’Actes Sud, le prochain roman de Marc Dugain chez Gallimard et même les copies d’examen pour l’Imprimerie nationale…En regardant, fascinée, les exemplaires défiler, je songe que ces merveilles nous relient à l’invention de l’imprimerie, il y a plusieurs siècles . Les techniques évoluent – l’une des énormes machines imprime en numérique –  mais les livres demeurent.

Normandie Roto Impression,  135 personnes, travaille pour une partie de l’édition française, et affiche de nombreux Goncourt ou Femina à son actif. C’est un métier de passion et souvent de filiation. Je peux le comprendre.

Et j’ai envie de dire aux éditeurs, soutenez nos imprimeurs français  !

 

J’ai vécu le passage de mon texte au livre, sa vraie naissance. C’est un peu de ma vie aussi, puisque la Normandie est ma terre de cœur, j’y ai une maison à une vingtaine de kilomètres d’Alençon. Quant au peintre qui a illustré la couverture, Jean-François Sineux, c’est un ancien élève de la toute jeune professeure que j’étais au début de ma carrière. La boucle est bouclée.

Mes maisons d’écrivains (Stock) sera en librairie le mercredi 24 avril.